5 oct. 2011

Partir des usages et des risques, ou comment inverser la logique d'évaluation de l'impact social

Les défis liés à l'évaluation d'un projet social sont infinis. Au-delà de la difficulté de suivre des indicateurs, d'évaluer conjointement la qualité et la quantité d'un service rendu, il est souvent impossible d'attribuer un impact social à un projet ou à un autre, d'intégrer les influences conjoncturelles et individuelles, ou encore de trouver un juste équilibre entre externalités positives et négatives qui en aucun cas ne peuvent s'annuler, et doivent être prises en compte comme des valeurs absolues. 

Ces enjeux complexes posent une infinité de problèmes aux associations, entrepreneurs sociaux et financeurs, poussant les uns et les autres à développer des obligations de suivi et de reporting de plus en plus lourdes pour enfin répondre à la question: quel est l'impact de ce que je fais sur le problème que je cherche à résoudre? 

Je suis de plus en plus convaincue qu'on regarde le problème à l'envers. Il ne s'agit pas de mesurer l'impact d'un projet particulier, car il intervient en effet dans un écosystème de circonstances et d'actions individuelles et collectives. Il faut repartir des besoins et de la collectivité, et définir l'ensemble des impacts à susciter conjointement pour apporter un progrès durable. Prenons un quartier populaire. Le taux de chômage, la prévalence des problèmes de santé, la délinquance, la dégradation de l'éducation et de l'environnement sont autant de facteurs de risques et de mal-être social qui se nourrissent mutuellement. Une action d'accompagnement en faveur de l'emploi ne peut être efficace sans un effort de communication pour changer l'image des acteurs du quartier auprès des recruteurs; qui lui-même n'a pas de sens si la conjoncture économique n'est pas bonne, ou si les actions de formations et d'insertion professionnelle ne répondent pas aux besoins des entreprises, si les infrastructures de transports sont insuffisantes, etc. 

Cette chaîne de besoins et de facteurs de risques est connectée dans l'écosystème sociétal du quartier. Une cartographie approfondie des acteurs et des facteurs présents sur le territoire permet de découvrir les redondances, les maillons manquants, et les synergies à développer pour créer une dynamique vertueuse. La notion d'impact devient alors celle d'un impact collectif et collaboratif, et non plus l'impact d'une action donnée. Seule une approche systémique et transversale permettra sur le long terme de transformer les usages, de baisser les risques et d'améliorer le bien-être. 

Et le rôle du politique dans tout ça? Il s'agit de sortir d'une vision de court terme, qui exige des résultats à la prochaine élection; de sortir des favoritismes et des coups de communication. En s'appuyant sur une approche systémique, le politique se doit de fédérer les acteurs, de les inciter à travailler ensemble et à évaluer ensemble l'impact de leur action sur un territoire. 

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