14 sept. 2011

Penser l'impact social comme une baisse du risque

Dès qu'il s'agit d'impact social, les investisseurs sociaux, qu'ils soient privés ou publics, se heurtent à un problème de taille: comment s'assurer que leur investissement était le plus pertinent? Comment décider entre deux structures en compétition pour des financements? Les indicateurs d'impact varient d'une structure à l'autre, et leur représentativité varie en fonction des populations visées, des impacts recherchés et des facteurs externes qui influencent l'action. Leur agrégation est complexe voire impossible: comment comparer une action d'accompagnement professionnel menée auprès de 100 personnes à des repas distribués à 10,000 personnes? Comment comparer planter 10 millions d'arbres et vacciner 100,000 enfants?

Les tentatives de monétisation cherchent à contourner ce problème. En agrégeant l'impact par une valeur unique, marchande, tel que l'euro ou le dollar, on peut tout comparer. Les techniques de monétisation s'appuient sur la valeur perçue par les parties prenantes, et sur l'actualisation de l'impact qu'aura une action menée à un instant t sur la durée de la vie d'une personne. D'où une réserve importante: la valeur perçue par l'un diffère de la valeur perçue par l'autre. En outre, toute action touchant à l'humain et s'insère dans un système complexe ou chaque élément a une influence et où il est difficile d'isoler l'impact précis d'une action. La monétisation s'appuie donc sur des hypothèses subjectives et peut facilement conduire à une manipulation des chiffres, comme le montrent les écarts entre des calculs de retour sur investissement social de plusieurs structures. Combien vaut une vie humaine? Comment valoriser l'impact que l'éducation d'un enfant aura sur son parcours de vie?

Imaginons un instant une nouvelle approche qui renverse la donne. Au lieu de partir de l'action et de son impact, partons de l'individu, de sa communauté, et du risque qui lui est associé. En fonction de l'âge, du milieu social et économique, du mode de vie, de l'environnement, etc., un profil de risque est associé à chacun d'entre nous. Les statistiques le montre: les variations de taux de chômage, les risques de santé, les niveaux de délinquance sont fortement influencés par notre profil et notre environnement. Dans ce contexte, les actions sociales que rencontre chaque individu ou chaque communauté a un impact direct: leur combinaison est plus ou moins efficace à baisser le risque sociétal. Baisse des risques de santé (voire de décès) pour les programmes de prévention, de dépistage, de soin. Baisse des risques de pauvreté et de chômage par l'éducation, l'accompagnement professionnel et la lutte contre les discrimination à l'emploi. Baisse des risques d'exclusion et de marginalisation pour l'accompagnement social, péri-scolaire, les actions sur le logement, etc. Baisse des risques de réchauffement climatique, de perte de la biodiversité, de catastrophe naturelle, de santé publique, pour les actions environnementale. Cette idée de la baisse du risque peut être déclinée à l'infini. Il ne s'agit plus alors d'identifier l'impact de tel ou tel action, mais de définir la combinaison de programmes sociaux qui permettent efficacement à une communauté et à ses membre de s'épanouir, en fonction du contexte et du profil de ses membres.

Là où l'idée devient intéressante, c'est quand on regarde les montants investis pour couvrir le risque et payer ses conséquences. Dans la logique actuelle, qui se préoccupe à court terme d'échéances électorales et de minimisation du budget investi dans l'action sociétale, on paye les conséquences de risques qui n'ont pas été anticipés et donc prévenus hier.

En raisonnant en terme de réduction des risques sur les 25 prochaines années (soit une génération) et en anticipant les coûts de l'inaction, les compagnies d'assurance, les gouvernement et les entreprises ont tout intérêt à ce que des programme robustes soient en place dès aujourd'hui pour éviter les coûts en escalade du diabète ou de la dépendance, du chômage et de la délinquance, de la dégradation de l'environnement socio-économique et de l'environnement. Dans cette logique, voir l'impact social comme un risque permet d'imaginer une infinité de pistes de financement pour le secteur social. Il ne reste plus qu'à imaginer les vecteurs d'investissement.

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